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de la justice et crièrent : « Danton ! Danton ! » Il répondit à cet appel, et, paraissant au balcon, le misérable esclave, habitué à couvrir la faiblesse des actes sous l’orgueil de la parole, leur dit (du moins on l’assure) : « Celui qui vous remercie, ce n’est pas le ministre de la justice, c’est le ministre de la Révolution. »

Danton se voyait alors dans une dangereuse crise où il allait se trouver en face de la redoutable Commune, en opposition avec elle ; le masque qu’il avait pris risquait fort d’être arraché. Il disputait à la Commune la vie d’un prisonnier, bien plus important pour lui que tous ceux qui avaient péri à Versailles, le célèbre constituant Adrien Duport. La cour, on se le rappelle, l’avait consulté, ainsi que Barnave et Lameth. Dans le manifeste même de Léopold, dans le portrait peu flatté que l’Empereur y faisait des Jacobins, on avait cru reconnaître la plume trop habile du fameux triumvirat.

Ces coupables intelligences avec l’ennemi n’étaient que trop vraisemblables, mais enfin nullement prouvées. Ce qui l’était mieux, ce qui était certain, acquis à l’histoire, c’étaient les services immenses qu’Adrien Duport avait rendus, sous la Constituante, à la France, à la Révolution. La vie d’un tel homme, en vérité, était sacrée. La Révolution ne pouvait y toucher que d’une main parricide. Danton voulait le sauver à tout prix, et en cela il acquittait la dette de la patrie, disons mieux, celle de l’humanité entière. Qui ne se souvenait pas des paroles tou-