Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/228

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Il ne se sentait pas moins la chaîne rivée au col. Marat le tenait par Duport. Si Danton défendait Duport, il était perdu, mordu à mort par Marat. Si Danton livrait Duport, il était perdu très probablement. Duport eût parlé, sans doute, avant de mourir, emporté avec lui Danton.

Celui-ci devait attendre, gagner du temps. Les maratistes pouvaient périr par leurs excès. Ce qui semblait devoir briser, en très peu de temps, cette tyrannie anarchique, ce n’était pas seulement l’horreur du sang, mais la crainte du pillage. Les vols se multipliaient. Ceux qui se croyaient maîtres de la vie des hommes semblaient se croire, à plus forte raison, maîtres de leurs biens.

Si Marat ne conseillait pas le partage des propriétés, son ami Chabot assurait que c’est qu’il ne croyait pas les hommes assez vertueux encore. Beaucoup n’en jugeaient pas ainsi ; ils se croyaient suffisamment vertueux pour commencer ; ils essayaient de se faire le partage de leurs propres mains ; d’abord celui des bijoux, des montres, en plein jour, sur les boulevards. Si l’homme dépouillé criait, les voleurs criaient bien plus haut : « À l’aristocrate ! » La foule passait tête basse, à ce cri si redouté, et n’osait intervenir.

Paris retombait à l’état sauvage.

Et, comme il arrive en un tel état, les individus, n’espérant rien de la protection de la loi, essayèrent de l’association pour se protéger eux-mêmes. Les vieilles fraternités barbares, les essais antiques et