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consoler et de dire qu’ils étaient morts. — Beaurepaire venait de se marier, il quittait sa jeune femme, il n’en fut pas moins ferme. Le commandant de Verdun, assemblant un conseil de guerre pour être autorisé à rendre la place, Beaurepaire résista à tous les arguments de la lâcheté. Voyant enfin qu’il ne gagnait rien sur ces nobles officiers dont le cœur, tout royaliste, était déjà dans l’autre camp : « Messieurs, dit-il, j’ai juré de ne me rendre que mort… Survivez à votre honte… Je suis fidèle à mon serment ; voici mon dernier mot, je meurs… » Il se fit sauter la cervelle.

La France se reconnut, frémit d’admiration. Elle se mit la main sur le cœur et y sentit monter la foi. La patrie ne flotta plus aux regards, incertaine et vague, on la vit réelle, vivante. On ne doute guère des dieux à qui l’on sacrifie ainsi.

C’était avec un véritable sentiment religieux que des milliers d’hommes, à peine armés, mal équipés encore, demandaient à traverser l’Assemblée nationale. Leurs paroles, souvent emphatiques et déclamatoires, qui témoignent de leur impuissance pour exprimer ce qu’ils sentaient, n’en sont pas moins empreintes du sentiment très vif de foi qui remplissait leur cœur. Ce n’est pas dans les discours préparés de leurs orateurs qu’il faut chercher ces sentiments, mais dans les cris, les exclamations qui s’échappent de leur poitrine. « Nous venons comme à l’église », disait l’un. — Et un autre : « Pères de la patrie, nous voici ! vous bénirez vos enfants. »