Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/26

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et de mauvaise humeur, qui se demandait pourquoi elle allait combattre et si elle n’était pas folle de tirer avec les gentilshommes sur la garde nationale, ils imaginèrent de montrer ce qui devait la mieux convaincre qu’elle avait raison d’hésiter. Pour confirmer tout le monde dans la conviction que la royauté était impossible, il ne fallait qu’une chose, c’était de montrer le roi.

Ce pauvre homme, lourd et mou, n’avait pu, même en cette nuit suprême de la monarchie, veiller jusqu’au bout ; il avait dormi une heure et venait de se lever. On le voyait à sa coiffure, aplatie et défrisée d’un côté. On put juger alors du danger de ces modes perfides en révolution. Qui est sûr, en de telles crises, d’avoir là, à point nommé, le valet de chambre coiffeur ?… Tel il était, et tel les maladroits le firent descendre, le montrèrent, le promenèrent. Pour comble de mauvais augure, il était en violet ; cette couleur est le deuil des rois ; ici, c’était le deuil de la royauté. Il y avait pourtant, même en ceci, quelque chose qui pouvait toucher. Mais on eut encore le tact de rendre une scène tragique parfaitement ridicule. Aux pieds de ce roi défrisé, le vieux maréchal de Mailly se jette à genoux, tire l’épée et, au nom des gentilshommes qui l’entourent, jure de vaincre ou mourir pour le petit-fils de Henri IV. L’effet fut grotesque et dépassa tout ce que la caricature a représenté des voltigeurs de 1815. Le roi, gras et pâle, promenant un regard morne qui ne regardait personne, apparut, au milieu de ces nobles,