Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/270

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enfants les désarmaient… On leur arrachait le drapeau, et tous disaient : « C’est le nôtre ! »

Grande et bonne journée pour eux ! Ils gagnaient par nous en un jour toute la conquête des siècles ! Cet héritage de raison et de liberté pour lequel tant d’hommes soupirèrent en vain, cette terre promise qu’ils auraient voulu entrevoir, au prix de leur vie, la générosité de la France les donnait pour rien à qui en voulait. Déjà, trois années durant, elle avait formulé en lois cette sagesse des siècles ; déjà elle avait souffert pour ces lois, les avait gagnées de son sang, gagnées de ses larmes… Ces lois, ce sang et ces larmes, elle les leur donnait à tous, leur disait : « C’est mon sang, buvez. »

Rien d’exagéré en ceci. On a pu contester, sourire. Aujourd’hui, la chose est jugée. Ne les voyez-vous pas tous (jusqu’à l’orgueilleuse Angleterre) qui font amende honorable, qui réclament comme leur meilleur progrès telles de nos lois que la France possédait en 1792, et qu’elle offrait dès lors généreusement aux nations ?

Et les nations, en retour, s’offraient, se donnaient elles-mêmes. Elles faisaient toutes signe à la France, la priaient de les conquérir.

Racontons une conquête, celle des portes de l’Italie, de ce comté de Nice, pris, repris jadis, arrosé de tant de sang. Voyons ce qu’il nous coûta.

Le roi de Sardaigne avait fait des préparatifs formidables. Il avait là, sur la frontière, une armée pour envahir la France, une nombreuse artillerie,