Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/28

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de théâtre que ces mots faisaient attendre fut très médiocre. Deux cents personnes entrèrent dans cette salle, d’autres se mirent en ligne dans les pièces précédentes. Une bonne partie de cette noblesse se composait de bourgeois. Beaucoup d’entre eux étaient ridiculement armés et en plaisantaient eux-mêmes. Un page et un écuyer du roi, par exemple, portaient sur l’épaule, en guise de mousquet, une paire de pincettes qu’ils venaient de se partager. La plupart néanmoins avaient des armes moins innocentes, des poignards et des pistolets, des couteaux de chasse. Plusieurs avaient des espingoles.

Ils se rangèrent en bataille dans les appartements. Ce qui restait de garde nationale pour défendre le château crut que c’était surtout contre elle que cette noblesse, si brusquement appelée, faisait cette manœuvre. Le commandant des gardes nationaux avait été demander des ordres et n’en avait point reçu. On avait profité de ce moment d’absence pour lui diviser sa troupe, en mettant vingt hommes à un autre poste. La garde nationale, manifestement en suspicion, ne s’obstina plus à défendre ceux qui ne voulaient point être défendus par elle ; elle acheva de s’écouler, sauf un nombre imperceptible. De ceux-ci était Weber, le frère de lait de la reine ; éperdu de douleur et d’inquiétude pour elle, il retourna, rentra aux appartements, la trouva en larmes : « Mais, Weber, que faites-vous ? dit-elle, vous ne pouvez rester ici… Vous êtes ici le seul de la garde nationale. »