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Dans le Midi et surtout dans l’Ouest, l’idéal de la femme, de la paysanne du moins, c’est le prêtre.

Le prêtre de Bretagne, spécialement, dut plaire et gouverner. Fils de paysan, il est au niveau de la paysanne par la condition, il est avec elle en rapport de langue et de pensée ; il est au-dessus d’elle par la culture, mais pas trop au-dessus. S’il était plus lettré, plus distingué qu’il n’est, il aurait moins de prise. Le voisinage, la famille parfois, aident aussi à créer des rapports entre eux. Elle l’a vu enfant, ce curé ; elle a joué avec lui ; elle l’a vu grandir. C’est comme un jeune frère à qui elle aime à raconter ses peines, la plus grande peine surtout pour la femme : combien le mariage n’est pas toujours un mariage, combien la plus heureuse a besoin de consolation, la plus aimée d’amour.

Si le mariage est l’union des âmes, le vrai mari c’était le confesseur. Ce mariage spirituel était très fort, là surtout où il était pur. Le prêtre était souvent aimé de passion, avec un abandon, un

    devienne un pauvre homme à qui tous les jours cent femmes viennent raconter leur cœur, leur lit, tous leurs secrets ? Les saints mystères de la nature, qui, vus de face, au jour de Dieu, de l’œil austère de la science, agrandiraient l’esprit, l’affaiblissent et l’énervent quand on les surprend ainsi au demi jour des confidences sensuelles. L’agitation fiévreuse, les jouissances commencées, plus ou moins éludées, recommencées sans cesse, stérilisent l’homme sans retour (je recommande cet important sujet au philosophe et au médecin). Il peut garder les petites facultés d’intrigue et de manège, mais les grandes facultés viriles, surtout l’invention, ne se développent jamais dans cet état maladif ; elles veulent l’état sain, naturel, légitime et loyal. Depuis cent cinquante ans surtout, depuis que le Sacré-Cœur, sous son voile d’équivoques, a rendu si aisé ce jeu fatal, le prêtre s’y est énervé et n’a plus rien produit ; il est resté eunuque dans les sciences.