Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/316

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hommes égarés ; il les renvoya, supposant magnanimement qu’il n’y avait de coupables que les morts.

La Vendée resta muette sous le coup. Mais on put deviner, par ce sinistre événement, ce qui couvait en elle. On put, d’après 1792, prévoir 1793. Il n’était que trop sûr que les villes, petites et faiblement peuplées dans ce pays, ne pourraient, quelle que fût leur énergie, contenir les campagnes, que celles-ci emporteraient tout, qu’un jour ou l’autre la Vendée tout entière se lèverait comme un seul homme, qu’elle marcherait d’ensemble, prêtres en tête, disciplinée d’avance, sous les drapeaux de ses paroisses.

Mais on pouvait prévoir aussi que ce grand et terrible effort (tout grand qu’il fût, la Vendée étant secondée par une partie des trois départements voisins) ne serait pas cependant contagieux pour la France, qu’il serait de bonne heure circonscrit, enfermé dans une zone limitée, que bientôt, et de plus en plus, la question serait ainsi posée : la Vendée d’un côté, et la France de l’autre.

Ce qui rendait d’abord le succès de la Vendée improbable, impossible, c’est qu’elle n’agissait nullement d’accord avec la Bretagne. Ces deux pays différaient profondément. Et la Bretagne, prise à part, n’était point d’accord avec elle-même. Les prêtres mêmes y étaient divisés. Le prêtre noble, qu’on appelait exclusivement Monsieur l’abbé, méprisait et tyrannisait le prêtre paysan, celui qui eût le plus agi sur le peuple. Dans les nobles, il y avait