Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/318

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Le Vendéen, enfermé, aveuglé dans son fourré sauvage, ne voyait nullement le mouvement qui se passait autour de lui. S’il l’eût vu un moment, il eût été découragé et n’eût pas combattu. Il eût fallu qu’on le menât bien haut, au haut d’une montagne, et que là, donnant à sa vue une portée lointaine, on lui fît voir ce spectacle prodigieux. Il se fût signé, se fût cru au Jugement dernier, il eût dit : « Ceci est de Dieu. »

Ce spectacle, que la France eût offert à ses yeux, c’était comme un tourbillonnement immense, une circulation rapide, violente, des hommes et des biens, des choses et des personnes. Les douanes entre les provinces, les octrois aux portes des villes, les péages innombrables des ponts, des passages de fleuves, toutes ces barrières de l’ Ancien-Régime avaient disparu tout d’un coup. Les clôtures s’abaissaient, les murs tombaient, les vieux manoirs s’ouvraient. Les choses, comme les hommes, avaient retrouvé le mouvement. Une formule puissante, qu’on entendait partout, les évoquait, semblait les animer : Au nom de la Loi ! Réveillés à ce mot, les immeubles prenaient des ailes. Déjà deux milliards des biens du clergé volaient en feuilles légères, sous forme d’assignats. Les domaines, coupés, divisés, se prêtaient aux besoins nouveaux d’un peuple immense, immensément multiplié. Partout des ventes et des achats ; on achetait volontiers, on donnait l’assignat plus vite qu’on n’eût donné l’argent. Partout des mariages (ils furent innom-