Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/340

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mais qui répondait merveilleusement à la situation générale, aux secrètes pensées de la France.

La France était inquiète, et l’inquiétude, après les massacres de septembre, n’était pas, comme on pourrait croire, d’être massacré. La violence contre les personnes n’eût menacé qu’un petit nombre. La crainte générale était moins pour la sûreté personnelle que pour la propriété.

Paris craignait. Les boutiquiers parisiens avaient vu certainement avec peine le massacre des aristocrates, mais les vols en plein jour commis sur le boulevard les impressionnaient bien plus. L’épicier n’étalait qu’en tremblant.

La France craignait. Dans ce mouvement immense des propriétés, autorisé, commandé par la loi, mille accidents arrivaient que la loi ne commandait point. L’inviolabilité du domaine féodal étant une fois rompue, les vieux murs s’étant écroulés et les haies ouvertes, beaucoup perdaient le respect des clôtures, la religion des limites ; le fossé n’arrêtait plus, la borne et le poteau étaient moins compris du passant.

Et ce n’était pas seulement l’ancien propriétaire qui craignait, le nouveau craignait déjà. Le paysan, acquéreur d’hier, qui, n’ayant pas payé encore, était propriétaire à peine, était déjà un ardent conservateur de la propriété, son défenseur inquiet. On le voyait déjà, matin et soir, sur son champ, faire le tour avec son fusil.

Il ne fallait pas s’y tromper, une parole de Danton