Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/344

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des races dévorantes qui vivaient de chair humaine. Mais il faut pleinement rassurer les amis de la liberté. Il faut détruire ce talisman dont la force magique serait propre à stupéfier encore bien des hommes. Je demande donc que, par une loi solennelle, vous consacriez l’abolition de la royauté. »

Le Montagnard Bazire voulait qu’on ne précipitât rien, qu’on attendît le vœu du peuple. Il fournit à Grégoire une belle occasion de fouiller à fond sa propre pensée. La grandeur de la passion lui arracha du cœur ce que son esprit n’eût trouvé jamais, la formule originale qui tranchait la question : « Le roi est dans l’ordre moral ce qu’au physique est le monstre. »

L’être bizarre, en effet, qui trône à la place d’un peuple, qui croit contenir un peuple, qui se croit un infini, qui s’imagine concentrer en soi la raison de tous, comment le classera-t-on ? Est-un fol ? un monstre ? un dieu ? À coup sûr, ce n’est pas un homme.

La royauté fut abolie. Ceux qui, les premiers, entrant dans la Convention, en eurent l’heureuse nouvelle, furent de jeunes volontaires qui partaient le lendemain. Ils tombèrent dans le délire de l’enthousiasme, remercièrent la Convention et, tout hors d’eux-mêmes, s’élancèrent pour répandre la nouvelle dans le peuple. Tout le monde sentait si bien que le roi c’était l’obstacle, le danger de la situation, qu’une foule d’hommes, du reste favorables à la royauté, partagèrent la joie commune. Le crédit se releva,