Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/384

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quence invincible, sa parole magnanime, disant à l’un : « Sauve la France ! » à l’autre : « Abrège la lutte, tranche le nœud de la guerre civile. » Et les plus rebelles à l’or, aux paroles, il mettait sa main dans la leur, et ils ne résistaient plus ; une force inconnue les arrachait à eux-mêmes ; leur passé, leur avenir, leur honneur et leurs scrupules, tout disparaissait en présence de l’amitié de Danton.

Ce grand et terrible serviteur de la Révolution, qui se chargeait de la sauver, n’importe comment, qui faisait partout ses œuvres secrètes, n’avait ni le goût ni le temps de choisir des hommes purs pour de telles commissions. Il prenait les plus ardents, il prenait les moins scrupuleux, les gens d’exécution rapide, qui marchaient les yeux fermés. Tels se livraient d’autant plus qu’étant déjà plus souillés par septembre ou autrement, ils n’avaient d’espoir de salut que dans la victoire de la liberté. Il se donnait à Danton beaucoup de ces gens-là, que la nature n’avait pas faits pour le crime, et qui, un moment, avaient suivi l’affreux vertige du sang, avaient un besoin secret de se réhabiliter par le dévouement et le sacrifice. Pourvu qu’on ne leur parlât jamais de ces jours néfastes, qu’on ne leur montrât pas sans cesse la tache qui leur restait aux mains, ils n’auraient pas mieux demandé que de mourir pour la France. Danton les accueillait sans difficultés, s’en servait et les lançait. Des hommes moins compromis auraient hésité davantage. Enfin, que ceux-ci fussent bons ou mauvais,