Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/389

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

consentaient à se liguer avec la Prusse, Brunswick voulait bien se battre, mais nullement contre le vœu des Anglais ses maîtres. Donc il attendait.

Cependant Dumouriez avait envoyé en hâte Westermann à Paris pour avoir le mot de Danton, du conseil exécutif, pour disposer l’opinion, avertir la presse, empêcher que cette grande et délicate affaire ne fût gâtée, troublée par la pétulance des journalistes et des clubs. Rien n’était plus difficile. Il fallait, au plus vif essor de l’enthousiasme, en plein fanatisme, faire accepter cette chose froide et sage, froidement pratique : Qu’on ne devait point tenter la fortune, qu’on avait assez réussi, qu’il fallait s’arrêter là, qu’il y aurait grande victoire à ne pas combattre, à amuser, éconduire l’ennemi, à le montrer à l’Europe abandonnant Louis XVI et l’émigration, et l’abandonnant sans y être forcé par une défaite, l’abandonnant librement, volontairement, donnant au monde l’exemple de traiter avec la jeune République, avec un gouvernement qui, à parler sérieusement, était à peine né encore.

C’est ce que Danton dit au conseil des ministres ; ceux-ci le virent, avec surprise, ôter le masque du violent, du furieux, du déclamateur, et montrer le politique. Le difficile n’était pas de convaincre les ministres, mais bien plus de contenir l’opinion républicaine, d’en faire taire du moins, d’en adoucir les meneurs. C’était là le tour de force. Et Danton l’exécuta.

Dumouriez reçut deux lettres à la fois, une du