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Tous, ignorants, imprévoyants, jouissaient de cette fête, puisant un doux rayon de paix dans les yeux de la jeune muse. La Gironde et la Montagne étaient confondues. Un événement troubla tout. Santerre, qui était de la fête, se trouvant un moment dans un salon près de la porte, rentre triste et tout changé. « Qu’avez-vous ? — Marat est là, qui demande le général… » Ce fut un coup de théâtre. Plusieurs disparurent et passèrent dans d’autres pièces. Plusieurs qui restaient pâlirent.

Il y avait plusieurs jours que Marat cherchait Dumouriez. Il s’était fait charger par les Jacobins de lui demander raison pour le châtiment que l’armée avait tiré d’un crime commis par des volontaires, disciples trop fidèles des doctrines de Marat. Nous expliquerons cette affaire dans le chapitre suivant.

La jaune figure entra, large et basse, entre deux longs Jacobins, plus hauts de toute la tête. Marat s’était arrangé pour produire un grand effet, prétendant faire subir une sorte d’interrogatoire au général vainqueur, devant ce cercle tremblant. Dumouriez ne lui donna pas cette satisfaction. Au premier mot, il le toisa avec mépris : « Ah ! c’est vous qui êtes Marat, dit-il ; je n’ai rien à vous dire. » Et il lui tourna le dos. Il s’expliqua ensuite tranquillement avec les deux Jacobins.

Le sang-froid de Dumouriez en rendit aux autres. Les militaires parlèrent durement au journaliste. Marat alla se plaindre et crier aux Jacobins. Il fut surtout irrité de la légèreté dérisoire avec laquelle