Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/417

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Des armées ? Non, des personnes. Chacune d’elles eut une personnalité distincte et originale. Tel fut le touchant esprit de dévouement, de sacrifice, qui anima ces hommes au départ. Ils se perdirent et s’absorbèrent dans ces glorieuses légions, dont chacune fut pour eux une France sur la terre étrangère. Ces admirables soldats, partis pour tant d’années de guerre, et qui, la plupart, ne devaient pas revenir, avaient emporté la patrie et le foyer dans les grandes sociétés héroïques qu’on appelait des armées. Où qu’ils fussent, c’était la France. Et c’est la France encore aujourd’hui et à jamais, partout où ces amis fidèles ont ensemble laissé leurs os.

Étrangers qui regardez avec respect et terreur ces collines d’ossements qu’ont laissés chez vous nos grandes légions, sachez qu’elles ne furent pas seulement terribles, mais vénérables. Ce qui leur donna la victoire, cette redoutable unité dans le combat, ce fut l’unité des cœurs et la confraternité. Gardez-vous de faire honneur de ces choses à tel ou tel homme. Des monuments seront élevés (quand la France se réveillera) à ces glorieuses armées, à elles, non à leurs généraux. Les calculateurs habiles ne garderont pas pour eux la gloire d’un peuple de héros. C’est assez, et c’est beaucoup, que les noms ou les images de ces heureux capitaines soient inscrits à leur vraie place, au pied même du monument.

Regardons-les attentivement, ces glorieuses armées, dans leur primitif élan de 1792, dans la naïveté du berceau.