Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/439

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trois millions de signatures fut apportée au Parlement, et que la propriété crut toucher à son dernier jour. Jamais moutons, un jour d’orage, ne se sont plus serrés, à s’étouffer les uns les autres. Le berger, quel qu’il soit, qu’il s’appelle Pitt ou Robert Peel, est bien fort dans ces jours d’effroi.

Cette peur naïve se trahit par l’exagération des éloges qu’on ne manque guère de donner au sauveur, par la dévotion qu’on a pour lui. On lui met dans les mains tout élément de succès, tout homme, tout argent, toute loi ou liberté ; ils n’en tiennent guère compte dans ces moments. Et quand ils ont fait en cet individu cette énorme et monstrueuse concentration de forces, alors ils s’en étonnent, ils admirent leur œuvre, ils s’engouent du dieu qu’ils ont fait, de ce Messie, de ce sauveur. Et le sauveur, souvent, n’est qu’un commis.

Ceci pour M. Pitt, le furieux commis, qui, menant de front deux excellents coursiers, deux passions nationales, la peur, la haine, s’en est allé droit à la gloire.

L’ouverture du Parlement anglais fut une grande scène. Plus de Whigs et plus de Tories, un seul troupeau tremblant autour de Pitt. Ce n’était point de la docilité, de la déférence politique, une conversion raisonnée ; c’était une dévotion aveugle, bornée, étroitement bigote, l’application du conseil du fameux janséniste : « Abêtissez-vous ! » Tous disaient leur mea culpa d’avoir jamais cru à la liberté, d’avoir eu ces rêves coupables de réforme parlementaire ; ils