Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/467

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danger : c’était la ruine, la chute certaine, c’était s’asseoir dans l’abîme.

La Révolution devant vivre, il fallait qu’elle marchât, selon sa nature, agît en soi et hors de soi, par un même mouvement. Quelle nature ? Nous l’avons dit : la magnanimité dans la justice. Quel mouvement ? Une grande et immense dilatation de cœur, qui poussât l’humanité dans les voies du désintéressement héroïque, du dévouement sans bornes et du sacrifice infini.

Il fallait que ceux auxquels la Révolution demandait d’abord justice, les heureux du monde, ceux qui jusque-là, volontairement ou non, avaient profité des abus, répondissent : « Vous ne voulez que justice ? Ce n’est pas assez. Nous, nous ferons davantage. » C’est la glorieuse réponse que firent plusieurs patriotes auxquels appartenaient telles des grandes fortunes de France. Il y eut des hommes admirables. Mais il n’y en eut pas assez. La plupart des riches, en 1793, firent leurs efforts pour descendre, ambitionnèrent l’égalité. Il fallait le faire en 1792, non pas suivre, mais devancer les vœux de la Révolution. Il ne s’agissait pas de prendre des sabots, de se faire grossier, de flatter lâchement le peuple, mais d’être de cœur plus peuple que lui, de marcher loin devant la loi, de sorte qu’elle eût eu beau avancer, s’efforcer et s’élargir, elle trouvât des cœurs plus vastes encore.

Et, la France adoptant la France, il fallait que de cette surabondance de sentiments généreux, il