Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/47

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Une scène extraordinaire, pathétique au plus haut degré, eut lieu dans l’Assemblée nationale. Qu’elle passe à la postérité, pour témoigner à jamais de la magnanimité du 10 août, du noble génie de la France, qu’elle conserva encore dans les fureurs de la victoire.

Un groupe de vainqueurs se jeta dans l’Assemblée, pèle-mêle avec des Suisses. L’un d’eux porta la parole : « Couverts de sang et de poussière, le cœur navré de douleur, nous venons déposer dans votre sein notre indignation. Depuis longtemps une cour perfide a préparé la catastrophe. Nous n’avons pénétré dans ce palais qu’en marchant sur nos frères massacrés. Nous avons fait prisonniers ces malheureux instruments de la trahison ; plusieurs ont mis bas les armes : nous n’emploierons contre eux que celles de la générosité. Nous les traiterons en frères (il se jette dans les bras d’un Suisse, et, dans l’excès de l’émotion, il s’évanouit ; des députés lui portent secours. Alors, reprenant la parole) : il me faut une vengeance. Je prie l’Assemblée de me laisser emmener ce malheureux : je veux le loger et le nourrir. »