Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/479

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une telle adoration, les injures semblaient des blasphèmes.

C’était la guerre des dieux. Il y en avait trois. Madame Roland était pour tout ce qui l’entourait l’objet d’un culte. Robespierre avait ses dévots, surtout ses dévotes. Danton était violemment aimé de ceux qui l’aimaient, avidement regardé, écouté et suivi, comme on fait pour une maîtresse ; c’était comme une religion de terreur et d’amour.

L’enthousiasme public, qui ne séparait pas Danton de Dumouriez dans l’heureuse délivrance du territoire, avait plu médiocrement à Madame Roland, déjà fort indignée du mot que le brutal avait lancé contre elle à la tribune. Combien plus irritée fut-elle de la fête que Julie Talma donna à Dumouriez, et où l’on vit Danton à côté de Vergniaud ! Elle ne fut pas loin d’excommunier celui-ci, de le rayer à jamais du nombre des élus. Le jour même ou le lendemain, le 14 octobre, elle écrit à Bancal, son très intime ami, ces aigres et dures paroles : « Ne craignez pas de dire à Vergniaud qu’il a beaucoup à faire pour se rétablir dans l’opinion, si tant est qu’il y tienne encore en honnête homme, ce dont je doute. »

Quant à Robespierre, elle le haïssait, mais nullement par antipathie naturelle. Deux fois elle avait essayé d’agir sur lui ; deux fois, dans l’intérêt de la patrie (non autrement), elle lui avait fait des avances. Robespierre s’était toujours reculé, et très loin. Elle ignorait la prise si forte que les dames Duplay