Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’ont dit les royalistes ; elle n’était nullement dégradée. Ses passions les plus connues furent justement pour des hommes fort étrangers à l’amour ; la première pour un castrat italien qui la ruina ; plus tard pour l’abstrait, le sec, le froid Sieyès, pour le mathématicien Romme, jacobin austère, gouverneur du jeune prince Strogonoff ; Romme ne se faisait nullement scrupule de mener son élève chez la belle et éloquente Liégeoise. Le très honnête Pétion était ami de Théroigne. Toujours, quelque irrégulière que pût être sa vie personnelle, elle visa dans ses amitiés au plus haut, au plus austère, au plus pur ; elle voulait dans les hommes ce qu’elle avait elle-même, le courage et la sincérité. Un de ses biographes les plus hostiles avoue qu’elle exprimait le plus profond dégoût pour l’immoralité de Mirabeau, pour son masque de Janus. Et elle ne montra pas moins d’antipathie pour celui de Robespierre, elle détestait son pharisaïsme. Cette franchise imprudente, qui la mena bientôt à la plus terrible aventure, avait éclaté en avril 1792. À cette époque où Robespierre se répandait en calomnies, en dénonciations sans preuves, elle dit fièrement, dans un café, « qu’elle lui retirait son estime ». La chose, contée le soir ironiquement par Collot d’Herbois aux Jacobins, jeta l’amazone dans un amusant accès de fureur. Elle était dans une tribune, au milieu des dévotes de Robespierre. Malgré les efforts qu’on faisait pour la retenir, elle sauta par-dessus la barrière qui séparait les tribunes de la salle, perça cette foule ennemie, demanda en vain la parole ; on se boucha