Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/54

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rant elle-même et mangeant ses excréments. Les royalistes se sont complu à voir là une vengeance de Dieu sur celle dont la beauté fatale enivra la Révolution dans ses premiers jours ; ils ont su un gré infini à la brutalité montagnarde de l’avoir brisée ainsi. Royalistes et Robespierristes, encore aujourd’hui, s’accordent à merveille, après l’avoir avilie vivante, pour avilir sa mémoire.

J’ai voulu donner d’ensemble cette destinée tragique. Voyons l’acte violent, coupable, par lequel Théroigne la mérita peut-être, au 10 août, cette destinée. Elle avait devant elle ce Suleau tant détesté, celui qu’elle envisageait comme le plus mortel ennemi de la Révolution, et en France, et aux Pays-Bas. C’était un homme dangereux, non par sa plume seulement, mais par son courage, par ses relations infiniment étendues, dans sa province et ailleurs. Montlosier conte que Suleau, dans un danger, lui disait :

« J’enverrai, au besoin, toute ma Picardie à votre secours. » Suleau, prodigieusement actif, se multipliait ; on le rencontrait souvent déguisé. La Fayette, dès 1790, dit qu’on le trouva ainsi, sortant le soir de l’hôtel de l’archevêque de Bordeaux. Déguisé cette fois encore, armé, le matin même du 10 août, au moment de la plus violente fureur populaire, quand la foule, ivre d’avance du combat qu’elle allait livrer, ne cherchait qu’un ennemi, Suleau pris, dès lors était mort.

Desmoulins, Picard comme lui et son camarade