Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/56

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sonniers sous la sauvegarde de la loi, et l’on n’en tint compte. Un fatal précédent s’établit, un préjugé effroyable, à savoir, que le passant, le premier venu, pouvait, en dépit des autorités nommées par le peuple, représenter le peuple souverain en sa fonction la plus délicate, la justice. Cette justice de combat, faite au moment de la bataille par l’ennemi sur l’ennemi, va se reproduire dans un mois, aux jours de septembre, sur des prisonniers désarmés.

L’Assemblée était en cause non moins que la royauté. La majorité, qui venait d’innocenter La Fayette, avait par cela même dans l’esprit du peuple perdu l’Assemblée elle-même. Les Girondins, il est vrai, par l’organe de Brissot, avaient attaqué le général et pouvaient se laver les mains de l’étrange absolution. Mais il était trop manifeste qu’ils croyaient encore pouvoir se servir de la royauté ; ennemis ou non de La Fayette, ils lui ressemblaient en ceci : républicains de principes comme lui, mais, comme lui, royalistes de politique, de situation, ils n’en différaient guère que sur la longueur du sursis qu’ils auraient accordé à l’institution royale. Rien n’indique qu’ils aient eu avec la cour le moindre rapport direct. La fameuse consultation donnée, dit-on, au roi par Vergniaud et copiée docilement par tous les historiens n’est qu’une fiction maladroite. Quelque étourdis qu’aient pu être les Girondins, jamais ils n’auraient donné un tel acte écrit contre eux-mêmes. Et à qui ? À cette cour qui, dans les élections et partout, leur préférait sans difficulté les plus violents Jacobins.