Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/74

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senter comme prisonniers de guerre, de les soumettre à un jugement militaire qui frapperait uniquement ceux qui avaient commandé, sauverait la foule de ceux qui n’avaient fait qu’obéir. Un ancien militaire, le député Lacroix, proposa à l’Assemblée de faire nommer, par le commandant de la garde nationale, une cour martiale qui jugerait sans désemparer les Suisses, officiers et soldats. La part principale que les fédérés, Marseillais, Bretons, presque tous anciens soldats, avaient eue à la victoire, aurait, sans nul doute, obligé de prendre les juges surtout parmi eux. Ces militaires se seraient montrés plus indulgents, pour un délit militaire, que des juges populaires, tirés d’une foule ivre de vengeance. Ceci n’est point une supposition, mais une induction légitime. La plupart des fédérés de Marseille, loin de partager la fureur commune, déclarèrent qu’ils ne considéraient plus les vaincus comme ennemis, demandèrent à l’Assemblée la permission d’escorter les Suisses et de leur faire un rempart de leur corps. Soldats, ils comprenaient bien mieux la vraie position du soldat, l’inexorable nécessité de la discipline qui avait pesé sur ces Suisses et les avait rendus coupables malgré eux.

Lacroix, qui donna ce conseil, violent en apparence, humain en réalité, de faire juger immédiatement les vaincus par une cour martiale, était un homme trop secondaire pour que nous ne cherchions pas plus haut à qui appartient l’initiative réelle de cette grande mesure. Lacroix était alors dans les