Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

entre autres, évidemment dictée par Marat : « Que désormais les presses des empoisonneurs royalistes seraient confisquées, adjugées aux imprimeurs patriotes. » Avant même que ce bel arrêt fût rendu, Marat l’avait exécuté. Il avait été tout droit à l’Imprimerie Royale, déclarant que les presses et les caractères de cet établissement appartenaient au premier, au plus grand des journalistes ; et, ne s’en tenant point aux paroles, il avait par droit de conquête, pris telle presse et tel caractère, emporté le tout chez lui.

L’Assemblée avait donc à décider si elle remettrait à cette Commune, ainsi gouvernée, le glaive de la justice nationale… Quelle serait cette justice ? Les uns voulaient un tribunal vengeur, rapide, expéditif. Marat préférait un massacre. Cette idée, loin de rien coûter à sa philanthropie, en était, disait-il, le signe : « On me conteste, disait-il, le titre de philanthrope… Ah ! quelle injustice ! Qui ne voit que je veux couper un petit nombre de têtes pour en sauver un grand nombre ?… » Il variait sur ce petit nombre ; dans les derniers temps de sa vie, il s’était arrêté, je ne sais pourquoi, au chiffre minime, en vérité, de deux cent soixante-treize mille !

Le tribunal de vengeance pouvait éviter le massacre. La Commune, par la voix de Robespierre, en demanda à l’Assemblée la création immédiate. Présentée avec des formes adoucies, des ménagements insidieux, mêlés de menaces, la proposition fut reçue dans un grand silence. Un seul député (Chabot) se leva pour l’appuyer. Et pourtant elle passa. On espéra