Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 4.djvu/88

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passant un regard défiant, inquiet, tous s’imaginaient voir en tous les amis de l’ennemi.

Nul doute qu’un bon nombre de mauvais Français ne l’attendissent, ne l’appelassent, ne se réjouissent de son approche, ne savourassent en espérance la défaite de la liberté et l’humiliation de leur pays. Dans une lettre trouvée le 10 août aux Tuileries (et que possèdent nos Archives), on annonçait avec bonheur que les tribunaux arrivaient derrière les armées, que les parlementaires émigrés instruisaient, chemin faisant, dans le camp du roi de Prusse, le procès de la Révolution, préparaient les potences dues aux Jacobins. Déjà, sans doute, afin de pourvoir ces tribunaux, la cavalerie autrichienne, aux environs de Sarrelouis, enlevait les maires patriotes, les républicains connus. Souvent, pour aller plus vite, les uhlans coupaient les oreilles aux officiers municipaux qu’ils pouvaient prendre et les leur clouaient au front.

Ce dernier détail fut annoncé dans le bulletin officiel de la guerre ; il n’était pas invraisemblable, d’après les terribles menaces que le duc de Brunswick lui-même lançait aux pays envahis, aux places assiégées, d’après la sommation, par exemple, qu’il fit à celle de Verdun. La main des émigrés n’était pas méconnaissable ; on retrouvait leur esprit dans ces paroles furieuses qu’un ennemi ordinaire n’eût pas prononcées. Bouillé déjà, dans sa fameuse lettre de juin 1791, menaçait de ne pas laisser pierre sur pierre dans Paris.