Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/113

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soigneusement fermés ; on n’y voyait qu’environ trois ou quatre mille hommes choisis tout exprès ; une partie canonniers, engagés la plupart depuis deux jours et par l’insurrection même ; une partie volontaires, non de ceux qui gratuitement couraient d’eux-mêmes aux armées, mais des volontaires achetés par les sections à tant par tête, mauvais sujets pour la plupart, insatiables d’argent (les procès-verbaux en témoignent) et tirant à chaque instant le sabre pour être payés. On leur avait donné du cœur en leur distribuant sur place cet assignat de cinq livres qui commençait aussi sur place à s’écouler en eau-de-vie. Le général de ces ivrognes avait bu plus que les autres.

Le général Henriot, laquais et mouchard sous l’Ancien-Régime, avait fait mainte campagne dans les foires et les marchés, en costume de général, comme les charlatans en portent et les arracheurs de dents. Il avait de longue date paradé sur les tréteaux avec l’épaulette, l’épée, le panache. Il n’y avait pas un homme qui s’entendît de si loin ; c’était (il faut dire le mot) une gueule terrible, à faire taire toute une place. Ses campagnes n’avaient pas été sans revers ; quel capitaine n’en a pas ? Fait prisonnier (par la police), il avait passé du temps à Bicêtre. Et c’est justement ce qui fit sa fortune révolutionnaire. On le prit pour une victime ; on le jugea sur l’habit un vrai militaire. Le pauvre peuple du faubourg Saint-Marceau, qui, dans ses grandes misères, a toujours besoin d’un amour, avait perdu Lazouski ; il adopta