Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/161

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de pouvoir exécutif, indépendant de l’Assemblée, un pouvoir colossal et liberticide, qu’elle recommençait la royauté… »

Robespierre, saisi, surpris, ne trouva que cette réponse : « Que lui-même proposerait d’ajouter à la constitution des articles populaires. »

Mais Chabot ne s’arrêtait pas ainsi, une fois en verve. Il demanda où étaient les articles qui touchaient vraiment le bonheur du peuple. Un seul, qui fait « des secours publics une dette sacrée », faible et sec énoncé du principe, sans rien dire des voies et moyens. « Est-ce là, dit Chabot, tout ce que le peuple vainqueur devait s’attendre à recueillir le lendemain de sa victoire ? »

Le silence fut terrible. Chabot s’épouvanta lui-même de voir qu’on ne répondait pas. Il se crut un homme perdu. Et il le crut bien plus encore quand il vit, aux jours suivants, les enragés s’emparer de ses arguments et en faire la base d’une pétition insolente à la Convention. Désespéré alors d’avoir eu tellement raison, décidé à se laver par une lâcheté quelconque, il prit l’occasion d’une brochure anonyme de Condorcet contre la constitution. Chabot le dénonça, fît décider son arrestation et poursuivit sa mort, croyant se sauver lui-même.

L’homme du reste importait peu. Chabot, quelque Chabot qu’il fût, sur le dernier point avait touché juste. La constitution de 1793 était, comme tant d’autres, une machine sans vie, une roue sans moteur ; il y manquait justement ce qui l’eût mise en mouvement.