Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/172

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Admirable abnégation, qui montre tout ce qu’il y eut de dévouement et de ferme douceur d’âme dans ces hommes héroïques, dignes de l’Antiquité.

Remarquez que cette arrestation avait cela d’odieux que les deux représentants, envoyés à l’armée des côtes, étaient là pour assurer la défense du pays, pour protéger contre les flottes anglaises la population égarée qui les arrêtait.

Quand on lut la lettre à la Convention, quelqu’un fit observer que peut-être « ils avaient été forcés… — Vous vous trompez, dit Couthon, Romme serait libre au milieu de tous les canons de l’Europe. »

L’Auvergnat Romme, esprit raide, âpre et fort, portait dans la liberté l’esprit rigoureux des mathématiques. Libre en Russie, libre au Calvados, comme dans la Convention, il crut à la Révolution quand personne n’y croyait plus. Dans la réaction qui suivit Thermidor, il défendit les furieux dont il n’avait pas imité les excès, et jusqu’à se perdre lui-même. L’émeute de prairial, qui tuait la République, tua Romme aussi. Condamné pour avoir pris le parti du peuple affamé, il prévint l’échafaud et se perça le cœur.

Dans cette cruelle circonstance du 2 juin et de son arrestation par les Girondins, Romme ne tergiversa pas. Inflexible contre lui-même dans la théorie du droit révolutionnaire, il dit froidement aux insurgés (comme plus tard en prairial) : « Persuadés qu’on vous opprime, vous usez légitimement du droit de résistance à l’oppression. »