Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/192

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Nous nous arrêterions moins ici, si c’était une chose individuelle ; mais malheureusement alors, c’est le cas d’un grand nombre d’hommes. Au moment où l’affaire publique devient une affaire privée, une question de vie et de mort, ils disent : « A demain les affaires. » Ils se renferment chez eux, se réfugient au foyer, à l’amour, à la nature. La nature est bonne mère, elle les reprendra bientôt, les absorbera dans son sein.

Danton se mariait en deuil. Sa première femme, tant aimée, venait de mourir le 10 février. Et il l’avait exhumée le 17, pour la voir encore. Il y avait au 17 juin quatre mois jour pour jour qu’éperdu, rugissant de douleur, il avait rouvert la terre pour embrasser dans l’horreur du drap mortuaire celle en qui fut sa jeunesse, son bonheur et sa fortune. Que vit-il, que serra-t-il dans ses bras (au bout de sept jours !) ? Ce qui est sûr, c’est qu’en réalité, elle l’emporta avec lui.

Mourante, elle avait préparé, voulu son second mariage qui contribua tant à le perdre. L’aimant avec passion, elle devina qu’il aimait et voulut le rendre heureux. Elle laissait aussi deux petits enfants et croyait leur donner une mère dans une jeune fille qui n’avait que seize ans, mais qui était pleine de charme moral, pieuse comme Mme Danton, et de famille royaliste. La pauvre femme, qui se mourait des émotions de septembre et de la terrible réputation de son mari, crut sans doute, en le remariant ainsi, le tirer de la Révolution, préparer sa