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Rennes, les représentants du peuple ayant décidé que Nantes serait abandonnée.

La grande armée vendéenne environnait déjà la ville. C’était le 28 au soir. On voyait sur les collines et dans les prairies de grands feux qui s’allumaient. Des fusées d’artifice qui montaient au ciel étaient les signaux que, de la rive droite, l’armée faisait à Charette qui était sur la rive gauche. Les assiégeants arrivaient très confusément, s’appelaient par de grands cris pour se réunir par paroisses ; ayant encore peu de tambours, ils y suppléaient en hurlant dans des cornes de bœufs. Ces sons barbares et sinistres, qui semblaient moins des voix d’hommes que de bêtes, remplissaient tout de terreur ; on disait dans les rues de Nantes : « Voilà les brigands ! »

Le peuple était fort ému, frémissant à la fois de crainte et de courage ; plus on craignait, plus on sentait qu’il fallait combattre à mort. Malheureusement, les soldats de ligne (qui pourtant se battirent très bien) goûtaient fort l’avis de leurs chefs, qui étaient pour la retraite. On en jugera par ce fait. Un Nantais (M. Joly), rentrant en ville avec du blé, les soldats veulent le lui prendre. « Pourquoi me prenez-vous mon blé, quand vous ne manquez pas de pain ? — C’est, disent-ils, pour que les Nantais, n’ayant pas de vivres, n’essayent pas de se défendre[1]. »

  1. Je tiens ce fait de mon ami M. Souvestre, qui sait l’histoire de l’Ouest dans un étonnant détail. Plusieurs chapitres du Sans-culotte breton sont de belles pages d’histoire, admirablement exactes.