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qu’une balle le força de quitter la place. On le mit dans un tombereau. Mais lui, souriant toujours, criait : « Ne voyez-vous pas ? c’est le char de la victoire. »

Les Vendéens étaient parfaitement instruits de l’état intérieur de la place, de la rivalité, des défiances mutuelles des Montagnards et des Girondins. Ils employèrent une ruse de sauvages, qui témoigne également de leur perfidie et de leur dévouement fanatique. Trois paysans, l’air effrayé, viennent se jeter aux avant-postes, se font prendre. Des grenadiers d’un bataillon de Maine-et-Loire leur demandent comment vont les affaires des Vendéens. « Elles iraient mal, disent simplement ces bonnes gens, si nous n’avions pour nous un représentant du peuple, qui est depuis longtemps à Nantes et nous fait passer des cartouches… — Comment se nomme-t-il ? — Coustard[1]. »

Cette accusation, jetée en pleine bataille, était infiniment propre à diviser les assiégés, à susciter des querelles entre eux, qui sait ? peut-être à les mettre aux prises les uns contre les autres.

Cathelineau, selon toute apparence, n’avait attaqué de front la route de Rennes que pour occuper la meilleure partie des forces nantaises. Pendant que cette attaque continuait, le chef rusé, qui connaissait à merveille les ruelles de Nantes, les moindres passages, prit avec lui ses braves, sa légion personnelle, ses voisins du Pin-en-Mauges ; il se glissa entre les

  1. Greffe de Nantes, registre intitulé Dépôt de pièces et procédures, 21 septembre 1793, no 181.