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Chacun mangea sous les armes ; on dressa des tables tout le long du quai magnifique, par devant la grande Loire, sur une ligne d’une lieue. Debout, gardes nationaux et soldats, Nantais, Parisiens, Français de tout département, prirent ensemble le repas civique, buvant à la République, à la France, à la fin de la guerre civile, à la mort de la Vendée.

Charette, qui, par-dessus les prairies, voyait l’illumination et Nantes resplendissante de cette fête nationale, voulut avoir la sienne aussi. Il s’ennuyait là depuis vingt-quatre heures, la grande armée était partie sans songer seulement à l’avertir. Il dédommagea la sienne en lui donnant les violons. Après avoir quelque peu canonné encore, jusqu’au soir du lendemain, pour montrer que même seul il n’avait pas peur, le soir il ouvrit le bal. Selon l’usage consacré de nos pères, qui ne manquaient jamais de danser dans la tranchée, les joyeux bandits de Charette firent des rondes, et, pour dire à Nantes le bonsoir de cette noce, tirèrent quatre coups de canon.


Ce jour fut grand pour la France. Il établit solidement le divorce des Vendées.

La mort de Cathelineau y contribua. On fit d’Elbée général, sans daigner consulter Charette (14 juillet).

« Cet homme-là, dit naïvement un historien royaliste, portait avec lui une source intarissable de bénédictions qui disparut avec lui. » Rien de plus vrai. Cathelineau avait en lui, sans nul doute, les bénédictions de la guerre civile. Pourquoi ? C’est que,