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riste. Ils ne voyaient pas que beaucoup ne l’étaient que par terreur même, que bien des violents qui avaient cru pouvoir haïr toujours défaillaient déjà dans la haine. Tels étaient tous les dantonistes, spécialement Bazire au Comité de sûreté générale, jeune homme ardent et pur, mais sans mesure ni force, et qui, après avoir été loin dans la fureur, alla très loin dans l’indulgence, se précipita, se perdit.

Une lettre de Camille Desmoulins (du 10 août) témoigne de cet état d’esprit. Elle est faible, désolée et désespérée.

Des hommes de Septembre, Sergent, Panis, sont maintenant des hommes doux, humains. Des présidents des Cordeliers ou du tribunal révolutionnaire, Osselin, Roussillon, Montané, Dobsent, sont devenus des modérés.

Nous avons vu combien, de mars en juin, Marat avait changé. L’ex-prédicateur du pillage poursuit en juin ceux qui répètent ses paroles ; il est sévère, impitoyable pour les nouveaux Marat, pour Leclerc et Jacques Roux.

Marat avait beau faire, il allait malgré lui, par la force invincible de sa situation, à l’écueil où périrent l’une après l’autre les générations révolutionnaires. Il arrivait fatalement à son âge d’indulgence et de modération. Il s’agitait en vain, en vain voulait rester Marat, dénonçait aujourd’hui tels généraux, demain voulait qu’on mît à prix la tête des Capets. Plusieurs anecdotes curieuses de ses