Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/288

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Plusieurs réponses montrèrent que ce cœur si résolu n’était pourtant nullement étranger à la nature. Elle ne put entendre jusqu’au bout la déposition que la femme Marat faisait à travers les sanglots ; elle se hâta de dire : « Oui, c’est moi qui l’ai tué. »

Elle eut aussi un mouvement quand on lui montra le couteau. Elle détourna la vue, et, l’éloignant de la main, elle dit d’une voix entrecoupée : « Oui, je le reconnais, je le reconnais… »

Fouquier-Tinville fit observer qu’elle avait frappé d’en haut, pour ne pas manquer son coup ; autrement elle eût pu rencontrer une côte et ne pas tuer ; et il ajouta :

« Apparemment, vous vous étiez d’avance bien exercée… — le monstre ! s’écria-t-elle. Il me prend pour un assassin ! »

Ce mot, dit Chauveau-Lagarde, fut comme un coup de foudre. Les débats furent clos. Ils avaient duré en tout une demi-heure.

Le président Montané aurait voulu la sauver. Il changea la question qu’il devait poser aux jurés, se contentant de demander : « L’a-t-elle fait avec préméditation ? » et supprimant la seconde moitié de la formule : « avec dessein criminel et contrerévolutionnaire ? » Ce qui lui valut à lui-même son arrestation quelques jours après.

Le président pour la sauver, les jurés pour l’humilier, auraient voulu que le défenseur la présentât comme folle. Il la regarda et lut dans ses yeux. Il