Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/290

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la faveur qu’on lui fît de le laisser près d’elle, sans autre témoin qu’un gendarme. Elle causa fort tranquillement avec lui de choses indifférentes, et aussi de l’événement du jour, de la paix morale qu’elle sentait en elle-même. Elle pria M. Hauer de copier le portrait en petit et de l’envoyer à sa famille.

Au bout d’une heure et demie, on frappa doucement à une petite porte qui était derrière elle. On ouvrit, le bourreau entra. Charlotte, se retournant, vit les ciseaux et la chemise rouge qu’il portait. Elle ne put se défendre d’une légère émotion et dit involontairement : « Quoi ! déjà ! » Elle se remit aussitôt, et, s’adressant à M. Hauer : « Monsieur, dit-elle, je ne sais comment vous remercier du soin que vous avez pris : je n’ai que ceci à vous offrir, gardez-le en mémoire de moi. » En même temps, elle prit les ciseaux, coupa une belle boucle de ses longs cheveux blond cendré, qui s’échappaient de son bonnet, et la remit à M. Hauer. Les gendarmes et le bourreau étaient très émus.

Au moment où elle monta sur la charrette, où la foule, animée de deux fanatismes contraires, de fureur ou d’admiration, vit sortir de la basse arcade de la Conciergerie la belle et splendide victime dans son manteau rouge, la nature sembla s’associer à la passion humaine, un violent orage éclata sur Paris. Il dura peu, sembla fuir devant elle, quand elle apparut au Pont-Neuf et qu’elle avançait lentement par la rue Saint-Honoré. Le soleil revint haut et fort ; il n’était pas sept heures du soir (19 juillet). Les reflets