Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/293

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brochure où il demande à mourir pour rejoindre Charlotte Gorday. Cet infortuné, venu ici le cœur plein d’enthousiasme, croyant contempler face à face dans la Révolution française le pur idéal de la régénération humaine, ne pouvait supporter l’obscurcissement précoce de cet idéal ; il ne comprenait pas les trop cruelles épreuves qu’entraîne un tel enfantement. Dans ses pensées mélancoliques, quand la liberté lui semble perdue, il la voit, c’est Charlotte Corday. Il la voit au tribunal touchante, admirable d’intrépidité ; il la voit majestueuse et reine sur l’échafaud… Elle lui apparut deux fois… Assez ! il a bu la mort.

« Je croyais bien à son courage, dit-il, mais que devins-je quand je vis toute sa douceur parmi les hurlements barbares, ce regard pénétrant, ces vives et humides étincelles jaillissant de ses beaux yeux, où parlait une âme tendre autant qu’intrépide !… souvenir immortel ! émotions douces et amères que je n’avais jamais connues Elles soutiennent en moi l’amour de cette Patrie pour laquelle elle voulut mourir, et dont, par adoption, moi aussi je suis le fils. Qu’ils m’honorent maintenant de leur guillotine, elle n’est plus qu’un autel ! »

Âme pure et sainte, cœur mystique, il adore Charlotte Corday, et il n’adore point le meurtre.

« On a droit sans doute, dit-il, de tuer l’usurpateur et le tyran, mais tel n’était point Marat. »

Remarquable douceur d’âme. Elle contraste fortement avec la violence d’un grand peuple qui devint