Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/341

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devaient vivre encore, au 10 août 1794 ! combien de la Convention devaient entrer bientôt dans cette urne des morts, que ce bel homme aux douces paroles, Hérault de Séchelles, innocente ombre de Danton, venait de presser sur son cœur !… Danton, Hérault, Desmoulins, Phelippeaux, avaient encore huit mois à vivre ; Robespierre et Saint-Just n’avaient pas une année.

Plus d’une chose assombrissait la fête.

Point de joie douce. Les uns, sérieux, inquiets. Les autres, violemment, cyniquement joyeux et riant par efforts. On ne sentait nulle part la spontanéité du peuple.

Il y avait un ordonnateur de l’allégresse publique, et cet ordonnateur, en certains détails, n’annonçait pas assez le respect de sa propre foi. David, aux Italiens, dans ce lieu resserré, avait élevé un petit arc de triomphe aux femmes du 5 octobre, à celles qui ramenèrent de Versailles dans Paris le roi et la royauté. On les voyait victorieuses, montées sur les canons vaincus. Le peintre, pour cet effet de drame, avait choisi de belles femmes, des modèles, sans doute, hardies, effrontées. Tout fut perdu. Le 5 octobre (c’est ce qui fait sa sainteté) avait vu des mères de famille s’arracher de leurs enfants en larmes, quitter leurs petits affamés et, par un courage de lionnes, ramener l’abondance avec le roi dans Paris. Ce n’étaient pas des filles publiques qui pouvaient reproduire cette grande histoire.

Si la beauté devait figurer seule dans une telle