Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/47

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Normandie, de même encore de Bordeaux. Ils se virent avec étonnement, avec horreur et désespoir, l’instrument du royalisme.

Aussi, quoique la Gironde ait été expulsée de la Convention par des moyens ignobles, indignes, nous nous serions borné à protester contre cette expulsion, nous n’aurions pas déserté la Convention violée, nous n’aurions pas brisé l’unité de la Montagne. Nous lui serions resté fidèle, car là était le drapeau. Nous aurions protesté contre le 31 mai, comme firent Cambon, Merlin, plusieurs Montagnards et les soixante-treize. Mais enfin nous serions resté. Les royalistes se mêlant aux Girondins, on ne pouvait plus défendre ceux-ci qu’en fortifiant ceux-là ; tout acte pour les Girondins eût été un coup porté à la République.

Ce mélange fut le vrai crime de la Gironde, son seul crime, il faut le dire, — et non le fédéralisme, le démembrement de la France, auquel elle ne pensa jamais[1], — et non la double accusation qu’on lui lançait follement de s’entendre avec Dumouriez[2] pour

  1. Ce qui est risible et triste, c’est que Brissot fut jugé fédéraliste, partisan du démembrement, parce qu’il avait loué le Fédéraliste, publication américaine en faveur de l’unité.
  2. Brissot avait défendu Dumouriez ; la Gironde l’avait défendu. Mais tout le monde l’avait défendu, tout le monde était coupable.

    Robespierre disait le 10 mars : « J’ai de la confiance en lui. » Marat en dit autant le 12.

    Billaud-Varennes le défendit chaudement aux Jacobins. Ceux-ci avaient montré une partialité étrange pour Dumouriez contre Cambon. Ils n’avaient pas voulu croire ce que tous les patriotes revenus de Belgique leur disaient de ses complots. Un entre autres, Saint-Huruge, offrait d’en donner des preuves. Les Jacobins ne voulurent pas seulement l’entendre, ils le mirent honteusement à la porte, le rayèrent, l’exclurent à jamais de la Société.