Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/486

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Ce calendrier tout austère, ces fêtes infiniment pures, où tout était pour la raison et le cœur, rien pour l’imagination, pourraient-ils remplacer le grimoire du vieil almanach, baroque, bariolé de cent couleurs idolâtriques, chargé de fêtes légendaires, de noms bizarres qu’on dit sans les comprendre, de Lœtare, d’Oculi, de Quasimodo ? La Convention crut qu’il fallait donner quelque chose de moins abstrait à l’âme populaire. Elle adopta la base scientifique de Romme, mais elle changea la nomenclature. L’ingénieux Fabre d’Églantine, dans un aimable écrit des temps paisibles, en 1783 (L’Histoire naturelle, dans le cours des saisons), avait donné l’idée du calendrier vrai, où la nature elle-même, dans la langue charmante de ses fruits, de ses fleurs, dans les bienfaisantes révélations de ses dons maternels, nomme les phases de l’année. Les jours sont nommés d’après les récoltes, de sorte que l’ensemble est comme un manuel de travail pour l’homme des champs ; sa vie s’associe jour par jour à celle de la nature. Quoi de mieux approprié à un peuple tout agricole, comme l’était la France alors ? Les noms des mois, tirés ou du climat ou des récoltes, sont si heureux, si expressifs, d’un tel charme mélodique, qu’ils entrèrent à l’instant au cœur de tous et n’en sont point sortis. Ils composent aujourd’hui une partie de notre héritage, une de ces créations toujours vivantes, où la Révolution subsiste et durera toujours. Quels cœurs ne vibrent à ces noms ? Si l’infortuné Fabre ne vit pas quatre mois de son calendrier, si, arrêté en pluviôse,