Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/503

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C’est sous cette bannière de modération et de justice indulgente que s’inaugura le lendemain (10 novembre) la nouvelle religion. Gossec avait fait les chants, Chénier les paroles. On avait, tant bien que mal, en deux jours, bâti dans le chœur fort étroit de Notre-Dame un temple de la Philosophie, qu’ornaient les effigies des sages, des pères de la Révolution. Une montagne portait ce temple ; sur un rocher brûlait le flambeau de la Vérité. Les magistrats siégeaient sous les colonnes. Point d’armes, point de soldats. Deux rangs de jeunes filles encore enfants faisaient tout l’ornement de cette fête ; elles étaient en robes blanches, couronnées de chêne, et non, comme on l’a dit, de roses.

Quel serait le symbole, la figure de la Raison ? Le 7 encore, on voulait que ce fût une statue. On objecta qu’un simulacre fixe pourrait rappeler la Vierge et créer une autre idolâtrie. On préféra un simulacre mobile, animé et vivant, qui, changé à chaque fête, ne pourrait devenir un objet de superstition. Les fondateurs du nouveau culte, qui ne songeaient nullement à l’avilir, recommandent expressément dans leurs journaux, à ceux qui voudront faire la fête en d’autres villes, de choisir pour remplir un rôle si auguste des personnes dont le caractère rende la beauté respectable, dont la sévérité de mœurs et de regards repousse la licence et remplisse les cœurs de sentiments honnêtes et purs. Ceci fut suivi à la lettre. Ce furent gêné-