Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 6.djvu/83

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contraire à ses habitudes, il semblait rêveur, distrait. Un jeune homme de la droite, Meillan, qui sympathisait avec cette grande nature, qui le croyait mobile bien plus que pervers, et pensait « que, selon l’intérêt de sa sûreté, il aurait été indifféremment Cromwell ou Caton », l’alla trouver le 1er juin au Comité de salut public et le pressa de prendre le gouvernail, de diriger le Comité… « Ils n’ont pas de confiance », dit-il en le regardant. Et, comme Meillan insistait, il le regarda encore, en disant : « Ils n’ont pas de confiance. » Le Comité était dans une autre pièce, où il écoutait Marat. Danton était resté seul, avec Treilhard. Il semblait tout absorbé, tout entier à ses idées ; il se parlait à lui-même : « Il faut absolument, disait-il, que l’un des deux côtés donne sa démission… Les choses ne peuvent plus aller… Nous avons envoyé chercher la Commune. Que veut-elle, cette Commune ? »

La fatalité de la situation était celle-ci : que si la Convention, pour défendre la Gironde, avait brisé la Commune (ce qui était au fond moins difficile qu’on n’a dit), elle eût été obligée de reprendre, dans les points les plus odieux, le rôle même de la Commune, la réquisition brusquée par les plus violents moyens, la levée immédiate de l’emprunt forcé, etc. La tyrannie des communes, par toute la France, la terreur municipale, étaient infaillibles, fatales, au point où les choses en étaient venues ; c’était le seul instrument qui restât à la Révolution. On ne pouvait briser cet instrument qu’en brisant