Aller au contenu

Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/102

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de théâtre qu’ils avaient pris dans les villes pour se garantir du froid. Ce carnaval de la mort l’apportait avec lui dans Nantes. Tous malades. On suivait les bandes à l’odeur.

Les prisons, combles déjà, étaient en proie au typhus. Et ils y apportaient encore une diarrhée meurtrière. Le froid des bivouacs, la misère, le blé noir, le cidre, nouveau pour eux, tout avait brisé le nerf vendéen. Et, contre cette énervation, la foi ne les soutenait plus. D’âme et de corps, la dissolution était arrivée. Ils ne venaient que pour mourir. La ville ne. les absorbait que pour les rendre à l’instant ; mais elle avait beau, la nuit, vomir des morts et des morts, elle s’emplissait le jour de malades, à en crever.

Le vertige d’un tel spectacle, l’infection qui se répandait, l’invasion de la mort qui voulait emporter tout, avaient troublé les plus fermes. Tels pleuraient, tels s’alitaient, d’autres s’enivraient et voulaient jouir encore. Carrier était hors de sens. Il n’avait pas dormi vingt heures sur quarante nuits. Ses yeux allumés et sanglants, son teint plombé, livide, trahissaient la flamme atroce qu’il avait dans les entrailles. Il se cachait à Richebourg, était invisible, sauf pour des amis de bouteille et des femmes avec qui il se roulait dans l’orgie.

Ceux qui connaissent l’histoire de la peste de Marseille n’ignorent pas jusqu’où les épidémies peuvent démoraliser. Il n’y a pas de ville qui y soit plus exposée que Nantes. Un vent doux, humide