Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/119

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Le fait est que Tallien fut un ventre, rien de plus, un tonneau sans fond. Il eut beau voler toujours ; nul remède à sa pauvreté.

Né dans la cuisine d’un financier de Touraine et fils de son cuisinier, il eut l’âme à l’avenant, une âme de Laridon, tout à la gueule et aux filles. Il eût été moine à une autre époque, vrai moine de Rabelais. Il était beau et beau diseur, prêcheur, enjôleur de femmes. Sa plus grande jouissance, partout où il arrivait, était de monter en chaire et de prêcher pêle-mêle la Révolution, la Raison, Jésus, Marat et le reste. Les femmes étaient ensorcelées.

Nullement cruel de nature, Tallien le devint toutes les fois qu’il y eut le moindre intérêt. Agit-il ? laissa-t-il agir en septembre ? C’est un problème. À Bordeaux, il ne fut ni au-dessus ni au-dessous des fureurs locales. Il les flatta en faisant mettre la guillotine devant ses fenêtres. Cette guillotine, dit-on, lui fut d’un excellent rapport. Tout est commerce à Bordeaux. Tallien commerça de la vie. Pour tromper les haines sérieuses qui voulaient du sang, il lui fallait enchérir en gestes, en paroles, en fureurs. Il hurlait, beuglait la Terreur, sans crainte d’exagérer son rôle. Pendant ce temps-là, dit-on, sa maîtresse tenait le comptoir. On dit pourtant que parfois elle escamotait quelques grâces et sauvait des gens pour rien[1]

  1. Une enfant, une petite fille perce la foule sans-culotte qui entourait le proconsul, arrive jusqu’à lui et demande la liberté de sa mère. Tallien entre