Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/138

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avait subi en décembre, en janvier, aux Jacobins, il voyait devant lui se dresser un mur. Il eût peut-être abandonné les libertés de la parole. Mais la liberté de la presse ! elle manquant, l’air lui manquait ! Il sentait la pierre du sépulcre se poser sur sa poitrine, et avant que d’étouffer, par un effort désespéré, il voulut la lancer au loin.

Qui ne voyait à ce moment le danger du pauvre artiste ?… Entrons dans cette humble et glorieuse maison (rue de l’Ancienne-Comédie, près la rue Dauphine). Au premier, demeurait Fréron. Au second, Camille Desmoulins et sa charmante Lucile. Leurs amis, terrifiés, venaient les prier, les avertir, les arrêter, leur montrer l’abîme. Un homme, nullement timide, le général Brune, familier de la maison, était un matin chez eux et conseillait la prudence. Camille fit déjeuner Brune et, sans nier qu’il eût raison, tenta de le convertir. C’était le moment où leur ami Fréron, enthousiaste de Lucile, venait de lui écrire la victoire et les périls de Toulon. Camille aussi, à sa manière, était, voulait être un héros : Edamus et bibamus, dit-il en latin à Brune, pour n’être entendu de Lucile ; cras enim moriemur. Il parla néanmoins de son dévouement et de sa résolution d’une manière si touchante que Lucile courut l’embrasser. « Laissez-le, dit-elle, laissez-le, qu’il remplisse sa mission : c’est lui qui sauvera la France… Ceux qui pensent autrement n’auront pas de mon chocolat. »

Cette scène d’intérieur explique l’explosion du no 7.