Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/14

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elle disait : « Je suis l’ordre, la prévoyance et la victoire. »

Ces grands et admirables travailleurs avaient rendu à la France le service capital de détrôner le chaos[1]. On avait démembré pour Garnot, Prieur et Lindet le royaume hébertiste du ministre de la guerre. Ils le suppléèrent, réparèrent ses fautes, mais malheureusement ne le brisèrent pas. Ils se créèrent des bureaux à côté, s’enfermèrent et firent la besogne. Il y eut un chef de la guerre, un chef des administrations militaires (subsistances, transports, habillement, etc.) ; du reste, étrangers aux affaires, n’inquiétant en rien la haute trinité dictatoriale. Leur travail de seize heures par jour les rendait pour

  1. Chaque jour Carnot indiquait à Lindet les mouvements des armées. À lui de trouver les ressources : les subsistances, transports, équipement, habillement, effets de campoment, etc. La difficulté alla augmentant, à mesure que la réquisition produisit ses résultats. La France se rassurait, en voyant ses quatorze armées, ses douze cent mille hommes. L’administration s’en épouvantait. « Quel Étal peut entretenir ce prodigieux peuple armé ! Nous périrons, disait Lindet à Carnot, si nous n’envahissons le pays ennemi. » Quand le Comité fit revenir Lindet de sa mission (2 novembre), il demanda où étaient les trois administrations qu’on lui confiait, et on lui montra… le vide. Les administrateurs de l’habillement étaient en prison depuis quatre mois ; on n’avait pas songé qu’il fallait les remplacer. Aux questions de Lindet on ne faisait qu’une réponse : « Nous aurons l’armée révolutionnaire. » Ainsi, dit-il, la France allait devenir un gouvernement tarlare à la Tamerlan. Cette armée, courant l’intérieur, eût alimenté de ses razzias les armées, les places fortes. La France eût été défendue peut-être ; mais elle n’eût pas eu grand’chose à défendre, n’offrant qu’un désert, des volcans. — Quels moyens emploierait-on ? Pouvait-on avoir recours à des auxiliaires étrangers ? Nullement. La France, serrée de toutes parts, était comme une place bloquée. Ces grands services publics qu’il fallait organiser, pouvaient-ils être confiés à des compagnies ? Nulle n’eût inspiré confiance, et nulle en réalité n’eût répondu par les ressources à l’immensité des besoins. Il ne fallait pas moins que l’emploi de la France même, tout entière et sans réserve, à cette opération énorme, qui était de sauver la France. Un mot magique et terrible y suffit ;