Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/187

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Danton, qui avait fini en ce monde, prenait aisément son parti. Mais Camille, que la mort saisissait en pleine vie, dans son triomphe de presse, plein d’amour, aimé, adoré, sentant en lui la voix d’un monde… il arrivait désespéré. Un prisonnier d’à côté, qui entendait ses soupirs, malade lui-même, au lit, lui dit, de l’autre chambre, aussi haut qu’il put : « Qui êtes— vous, pauvre malheureux ? » Et au nom de Desmoulins : « Ah ! c’est toi, grand Dieu !… La contre-révolution est donc faite ? »

Le malade était Fabre d’Églantine.

Le théâtre en Fabre, la presse en Desmoulins, la tribune avec Danton, tout dans la même prison.

Royalistes et robespierristes, tous voudraient avilir le malheur de Camille Desmoulins. — « Il pleurait comme une femme, restait tout le jour collé aux barreaux, pour tâcher de voir Lucile, son enfant, dans le Luxembourg. Il lisait les Nuits d’Young, il ne faisait qu’écrire des lettres désespérées… » Il faisait encore autre chose, on l’a imprimé en 1836. Dans cette captivité de deux jours (arrêté le 31, traîné le 2 en jugement !), le grand artiste, avec une vigueur de vie indomptable, avait commencé un foudroyant numéro du Vieux Cordelier. « Pauvre peuple ! Jacques Bonhomme ! on t’abuse, mon ami », etc.

Quand le bruit de l’arrestation se répandit dans Paris, personne n’y voulait croire. Les royalistes s’obstinaient à nier cette grande victoire qui leur tombait comme du ciel ; ils baissaient modestement les yeux, cachaient leurs émotions. Les patriotes