Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/217

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couvrir, ce sein bondissant de vie, de fureur, d’amour encore… Personne n’endurait ce spectacle… Plusieurs s’enfuirent, croyant voir la Patrie s’arracher le cœur.

Quand on arriva, rue Saint-Honoré, devant la maison de Robespierre, fermée, portes et fenêtres, muette comme le tombeau, le prétendu peuple qui suivait redoubla ses cris frénétiques, clameur de lâche abdication, sinistre salut à César au nom de la guillotine. Desmoulins, calmé à l’instant, se rassit et dit froidement : « Cette maison disparaîtra… » En vain on la cherche aujourd’hui, enveloppée qu’elle est de murs immenses, recluse dans une ombre éternelle.

On assure que Robespierre, enfermé chez lui, pâlit à ces cris sauvages et sentit au cœur le mot de Danton : « J’entraîne Robespierre, Robespierre me suit ! »

Hérault de Séchelles, Camille et Bazire, ce touchant faisceau d’amis, se tenaient de cœur ensemble et dans leur amour pour Danton. Il avait été, pour eux, l’énergie sublime, la vie de la Révolution, le cœur de la République, et elle mourait en lui. Ils ne la laissaient pas derrière eux ; ils l’emportaient dans la tombe. Grande consolation de mourir avec l’idéal qu’on eut ici-bas.

Hérault descendît le premier, et d’un mouvement aimable et tendre, se tourna pour embrasser Danton. Le bourreau les sépara : « Imbécile ! dit Danton, tu n’empêcheras pas nos tètes de se baiser dans le panier. »