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aux Jacobins de Brissot, aux Jacobins de Robespierre. Trois fois, la grande société quitta son rôle de surveillante pour celui de fonctionnaire ; les Jacobins entrèrent dans l’administration, dix mille en une seule fois (1792).

À chaque évacuation de ce genre, la société purifiée, ce semble, recrutée dans une classe plus populaire, paraissait entrer d’un degré de plus dans la démocratie : 1793 y fit le dernier effort et se crut décidément tout près de l’égalité. Erreur, profonde erreur ! En 1793, comme auparavant, par des moyens plus détournés, la bourgeoisie domina.

J’entends ici par bourgeoisie la classe, peu nombreuse alors, qui savait lire, écrire, compter, qui pouvait (peu ou beaucoup) verbaliser, paperasser, le bureaucrate, le commis, celui qui peut l’être, l’ex-procureur, l’ex-clerc, le vrai roi moderne, le scribe.

Tel est le fruit savoureux que la société européenne recueille d’avoir eu douze cents ans le prêtre pour seul instituteur. La masse entière (moins un centième) est restée à l’état barbare, c’est-à-dire mineure, incapable ; à la moindre affaire, la tête leur tourne ; il leur faut se remettre à cette minorité minime qui seule sait compter, griffonner. Elle se trouva peu à peu, alors comme aujourd’hui, maîtresse des affaires.

Des dix ou douze membres d’un comité de surveillance, des quarante, cinquante, cent membres d’une société jacobine, presque tous alors étaient illettrés. Ces patriotes, généralement très embar-