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brany, les Maure, les Ruhl, irréprochables citoyens qui, loin de céder à la réaction, l’ont combattue au prix de leur sang, n’appuyèrent nullement Robespierre, convaincus qu’ils étaient que son triomphe eût été celui d’un parti, moins que d’un parti, d’une coterie étroite de plus en plus, d’une toute petite Église.

Même parmi les Thermidoriens, plusieurs de ceux qu’une aveugle sensibilité mena très loin dans la réaction, qui se montrèrent violents, imprudents, inconséquents, Lecointre, par exemple, n’en furent pas moins honnêtes et désintéressés dans leur haine de Robespierre : c’est la dictature imminente, c’est la royauté renaissante qu’ils haïrent en lui.

C’est une chose étrange à dire, mais vraie, l’homme qui se mit le plus en avant contre Robespierre, qui l’attaqua de meilleure heure, qui parla haut contre lui, rassura les braves, communiqua même aux faibles son audace ou sa folie, fut Lecointre, de Versailles. C’était un bonhomme un peu fou, excessivement colérique, hardi par la chaleur du sang. Né grotesque, d’une physionomie saisissante par le ridicule, une de ces créatures privilégiées que la nature semble avoir faites pour faire rire. Gauche en tout, ne doutant de rien, il faisait burlesquement des choses très audacieuses. Depuis que Legendre gisait dans sa honte, aplati comme un bœuf saigné, Lecointre seul avait la puissance de dérider la Convention.

On se rappelle que Lecointre, marchand de toiles