Page:Michelet - OC, Histoire de la Révolution française, t. 7.djvu/31

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siasme, avec un applaudissement sincère, incroyable. Une chose pourtant restait louche. Les noms de ces commissaires, « pour éviter les sollicitations », disait le décret, devaient rester inconnus. Il était facile à prévoir que ces mystérieux inquisiteurs de clémence, tous Jacobins sans nul doute, seraient choisis sous l’influence unique de l’homme qui pouvait seul faire de la modération sans soupçon de modérantisme. Énorme accroissement à son influence ! Seul, il allait tenir la clé des prisons !

Le lendemain, 21 décembre, au matin, le libraire Desenne avait à sa porte la longue queue des acheteurs qui s’arrachaient le no 4 du Vieux Cordélier. On le payait de la seconde, de la troisième main, le prix augmentant toujours, jusqu’à un louis. On le lisait dans la rue, on en suffoquait de pleurs. Le cœur de la France s’était échappé, la voix de l’humanité, l’aveugle, l’impatiente, la toute-puissante pitié, la voix des entrailles de l’homme, qui perce les murs, renverse les tours… le cri divin qui remuera les âmes éternellement : « Le Comité de la clémence ! »

Cette feuille, brûlante de larmes, était tout inconséquente dans sa violence naïve. « Point d’amnistie ! » disait-elle. Et tout à côté : « Voulez-vous que je l’adore votre constitution, que je tombe à genoux devant elle ? Ouvrez la porte à ces deux cent mille citoyens que vous appelez suspects. »

Mais qui aurait été maître de ce mouvement immense ? On l’eût rapporté à un seul, il eût fait